COMPOSITRICES
MADDALENA CASULANA (1554 – vers 1590)
On sait peu de choses sur cette compositrice, cantatrice et luthiste italienne. Elle est née en Toscane, près de Sienne.
Sa première œuvre date de 1566 : quatre madrigaux qu’elle joua à Florence. Deux ans plus tard, elle publie à Venise son premier livre de madrigaux pour quatre voix qui est la première œuvre imprimée par une femme dans l’histoire de la musique occidentale. La même année, Roland de Lassus dirige une de ses œuvres à la cour d’Albrecht de Bavière, à Munich.
D’après les dédicaces de ses œuvres, on peut déduire qu’elle visita les villes de Vérone, Milan, Florence, Venise.
La dédicace à Isabelle de Médicis de son premier livre de madrigaux contient cette profession de foi : « Je veux montrer au monde, autant que je le peux dans cette profession de musicienne, l’erreur que commettent les hommes en pensant qu’eux seuls possèdent les dons d’intelligence et que de tels dons ne sont jamais donnés aux femmes ».
BARBARA STROZZI (1619 – 1677)
Compositrice, claveciniste, cantatrice et luthiste italienne, Barbara Strozzi naquit à Venise en 1619. Fille adoptive du célèbre poète et librettiste Giulio Strozzi, elle fut personnellement en contact avec les plus éminents représentants de l’élite intellectuelle et musicale de Venise.
Giulio Strozzi encouragea le talent musical de sa fille adoptive. Elle chanta dès sa seizième année dans les concerts privés qu’il organisait pour elle. Il favorisa chez sa fille le don de la composition en faisant appel au célèbre Cavalli, élève de Claudio Monteverdi, qui étendit sa renommée jusqu’à Vienne, Paris et Milan.
Sa vision de la musique, fortement marquée par Monteverdi, est celle que Cavalli transmit à son élève. Ainsi Barbara Strozzi devint-elle indirectement l’élève de Monteverdi qu’elle a sans doute aussi connu personnellement. En tant que musicienne, Barbara Strozzi était hautement reconnue par un grand nombre de ses contemporains.
On sait peu de choses de sa vie après la mort de son père adoptif (1652). Elle exerça à Venise comme compositrice au moins jusqu’en 1664, date de la dernière publication d’une de ses œuvres. Ensuite, on perd sa trace.
FANNY HENSEL-MENDELSSOHN (1805 – 1847)
Née à Hambourg dans une famille juive (en 1816, les enfants Mendelssohn furent baptisés dans la religion luthérienne), Fanny Mendelssohn était la fille aînée du banquier Abraham Mendelssohn et de sa femme Léa Salomon. Du côté maternel, la musique – surtout celle de la famille Bach – jouait un rôle important.
Ayant très tôt découvert et encouragé l’extraordinaire talent musical de ses deux aînés, Fanny et Félix, Léa Salomon les initia elle-même à la musique. Mais au fil du temps, les voies de la formation de Fanny et Félix s’écartèrent de plus en plus, sous l’influence d’un père acquis à l’esprit patriarcal. Abraham Mendelssohn écrivait à sa fille en 1820 : « La musique deviendra sans doute pour lui (Félix) un métier, tandis que pour toi elle ne peut et ne doit devenir qu’un agrément et jamais l’élément déterminant de ton être et de tes actes ».
Fanny souffrait de se voir constamment rappeler son rôle et ses devoirs de future mère de famille. Cependant, Fanny et Félix Mendelssohn ont toute leur vie été unis par une profonde relation musicale et humaine. Félix appréciait la musique de sa sœur.
En 1829, Fanny épousa le peintre Wilhelm Hensel dont elle aura un enfant et qui encouragea et favorisa l’activité créatrice de sa femme. Empêchée de faire jouer sa musique publiquement, la musicienne organisa et dirigea bientôt ses propres « concerts dominicaux » qui eurent d’heureuses répercussions sur son activité de compositrice.
En 1839, la famille Hensel entreprend un voyage en Italie. Fanny y rencontra Charles Gounod qui parle d’elle avec enthousiasme dans ses mémoires : « Mme Hensel est une musicienne hors ligne, pianiste remarquable, femme d’un esprit supérieur, petite, fluette, mais d’une énergie qui se devine dans ses yeux profonds et dans son regard plein de feu. Elle est douée de facultés rares comme compositeur… ».
Fanny Hensel-Mendelssohn meurt d’une crise d’apoplexie à l’âge de 42 ans.
CLARA SCHUMANN (1819 – 1896)
« […] Naturellement, cela reste toujours un travail de femme, auquel la force fait défaut, et parfois l’invention […] ». Tels sont les propos amers consignés par Clara Schumann dans son journal en 1846, alors qu’elle venait d’achever son Trio avec piano op. 17, l’une de ses meilleures compositions. Le découragement qui s’exprime en de nombreux passages de son journal montre à quel point la situation des femmes artistes au 19e siècle était difficile.
Et pourtant, Clara Schumann n’a cessé de dire combien la composition et l’invention musicale la comblaient : « Il n’est rien que je place au-dessus de la joie de produire, et même si on ne le faisait que pour les heures de l’oubli de soi, où l’on ne respire plus qu’en des sons […] ». Mais elle avait rarement le courage de défendre ses compositions.
Elle ignorait qu’il y avait eu de tout temps des compositrices et pensait qu’elle avait une position d’exception. Ainsi confiait-elle en 1838 : « Je me console toujours en songeant que je suis une femme, et que les femmes ne sont pas nées pour composer. Souvent je doute complètement de moi. »
Clara Schumann bénéficia d’une excellente formation musicale. Elle allait devenir une grande pianiste. C’est son père, le célèbre professeur Friedrich Wieck qui lui enseigna le piano. A onze ans, Clara Wieck donna son premier concert public au Gewandhaus de Leipzig et fut encensée par la critique comme enfant prodige.
En 1840, elle épousa Robert Schumann, après cinq ans de lutte acharnée contre son père qui s’opposait à ce mariage. Elle mit au monde quatre filles et quatre garçons. La phase de composition avait duré de 1828 à 1856, date de la mort de son mari. Elle reprit sa carrière de pianiste qu’elle avait mise entre parenthèses. Clara Schumann fit bientôt partie des personnalités les plus influentes de la vie musicale de l’époque.
MEL BONIS (1858 – 1937)
Mel Bonis, de son véritable nom Mélanie Bonis, issue d’une famille modeste de la petite bourgeoisie parisienne, reçoit une éducation religieuse très stricte. Rien ne la prédispose à une destinée musicale. Elle s’initie au piano d’une manière autodidacte jusqu’à l’âge de 12 ans ; ses parents se résignent enfin à lui offrir un enseignement musical.
Elève exceptionnelle, elle sera présentée à César Franck qui ouvrira pour elle les portes du conservatoire en décembre 1876. Elle partage les mêmes bancs que Claude Debussy et Gabriel Pierné.
Elle quitte le conservatoire en 1881 pour se marier selon le désir de ses parents. Mère de quatre enfants, elle accomplira l’exploit d’assumer sa vie bourgeoise et de composer de la musique sans aucun encouragement de son environnement social.
L’œuvre musicale de Mel Bonis se compose d’environ 300 pièces pour des formations diverses. De style post-romantique, elle se caractérise par sa force d’inspiration que nourrit une âme mystique et passionnée. Le fait d’être une femme était à l’époque un handicap sévère. Il était communément établi qu’une femme ne pouvait pas avoir la puissance d’inspiration d’un homme. Alors, pour qu’on respecte son travail comme celui d’un « vrai » compositeur, Mélanie Bonis a choisi de signer ses œuvres Mel Bonis, un pseudonyme sans connotation féminine.
Pour l’anecdote, rappelons la réflexion de Camille Saint-Saëns après avoir auditionné le Quatuor de Mel Bonis : « Je ne croyais pas qu’une femme puisse écrire cela : elle connaît toutes les ficelles du métier ».
Si Mel Bonis fut peu jouée de son vivant, elle est complètement tombée dans l’oubli ensuite. Son arrière-petite fille a pris conscience de l’inestimable valeur de l’œuvre de Mel Bonis et s’engage pour faire revivre la musique de son aïeule, un trésor ignoré du patrimoine musical français.
LILI BOULANGER (1893 – 1918)
Lili Boulanger voit le jour dans une famille de musiciens. Son père, Ernest Boulanger, est compositeur, premier grand prix de Rome en 1835, et professeur de chant au Conservatoire de Paris. Sa mère, Raïssa Mychetski (ou Myshetskaya), est une cantatrice russe, originaire de Saint-Pétersbourg. L’ambiance familiale est donc propice à l’étude de la musique, art pour lequel la jeune Lili montre très tôt d’étonnantes dispositions.
Dès six ans, elle sait déchiffrer les partitions — avant même de savoir lire — et étudie l'harmonie. Gabriel Fauré, ami de la famille, est émerveillé par sa précocité et lui donne ses premières leçons de piano. De santé fragile, l'enfant reçoit à domicile l'enseignement d'éminents professeurs, notamment Georges Caussade pour la fugue et le contrepoint.
Elle étudie, outre le piano, le violon, le violoncelle, la harpe (elle a pour professeur le célèbre harpiste Alphonse Hasselmans), l’orgue. Elle s'essaie à la composition, encouragée par sa sœur Nadia, mais ne subsiste de ses œuvres de prime jeunesse qu'une Valse en mi majeur, composée en 1906.
En 1909, Lili Boulanger entre au Conservatoire de Paris dans la classe de composition musicale de Paul Vidal. Elle concourt une première fois pour le prix de Rome en 1912 mais la maladie l'oblige à se retirer de la compétition. Elle se présente l'année suivante et devient, en 1913, la première femme à remporter le premier grand prix de Rome de composition musicale pour sa cantate Faust et Hélène (prix qu'elle partage néanmoins avec Claude Delvincourt). Une première audition publique de l'œuvre est donnée le 16 novembre 1913 par les Concerts Colonne au Théâtre du Châtelet et rencontre un vif succès, tant public que critique. Le 24 novembre, elle est reçue à l'Elysée par le président Raymond Poincaré.
En 1914, Lili Boulanger part pour l'Italie rejoindre les lauréats du prix de Rome à l'Académie de France à Rome (Villa Médicis). Durant ce premier séjour de quatre mois — écourté par l'éclatement de la Première Guerre mondiale — elle entame la rédaction de ses trois Psaumes XXIV, CXXIX, CXXX et Vieille prière bouddhique, œuvres qui ne seront complétées qu'en 1917. En 1918, elle dicte à sa sœur Nadia, sur son lit de mort, son ultime œuvre, le Pie Jesu. Atteinte de tuberculose intestinale, Lili Boulanger meurt prématurément à l'âge de vingt-quatre ans le 15 mars 1918, précédant de dix jours Claude Debussy dans la mort.